Facteur de Reims : Les facteurs ont le blues
C'étais sympa le métier de facteur, maintenant c'est la course à la rentabilité. La Poste leur impose des tournées à rallonge et ne remplace plus les malades. On leur ajoute des rues, on les fait revenir sur leurs jours de repos et on veut les priver de leur tournée. A pied, à vélo, en mob ou en voiture, les facteurs en ont assez du règne de la rentabilité.
C'EST plus ce que c'était d'être facteur à Reims. Ce serait même de pire en pire.
« On vient encore de me rajouter cinq rues. J'en ai marre. Ils s'imaginent peut-être que je n'ai pas assez de travail. L'autre samedi alors que j'étais en repos, on m'a encore demandé de revenir travailler pour remplacer un copain. Cette fois j'ai dit non. Ça va bien ». Pourtant elle aime son métier cette factrice.
En voilà un autre qui aime son métier : « Il y a quelque temps, j'ai accepté de venir remplacer un malade sur mes congés. Pour dépanner et pour que la tournée soit faite car sinon le courrier n'aurait tout bonnement pas été distribué ce jour-là. Un peu plus tard, j'avais besoin d'un jour, ils ne me l'ont pas accordé. La prochaine fois, je ne rendrai plus service ».
Christian, 42 ans de maison, n'a pas peur de parler : « Des exemples comme ces deux-là, on en rencontre de plus en plus. La Poste tient un double langage : ils nous demandent de la qualité et ne recherchent que la rentabilité. Chaque jour à Reims, il y a au moins 2 à 3 tournées à découvert, c'est-à-dire pas distribuées. Attention, pas dans les quartiers du centre mais là où ça se voit le moins ». Plus volontiers dans les quartiers défavorisés. « Leur seul but, c'est de réduire les coûts de personnel. Ils ne remplacent plus les malades depuis un moment. Moi, on m'a même reproché de faire de la surqualité parce que je repasse à 14 heures pour rendre service aux commerçants qui sont fermés entre midi quand je distribue une première fois.»
Un vote dans chaque bureau
Le facteur à la Dany Boon qui connaît tous ses administrés et qui boit le coup de temps à autre avec eux, fait déjà partie des images d'Épinal. « Ils voudraient qu'on ne soit plus titulaire de notre tournée mais qu'on fonctionne en équipe sur un secteur. Ainsi les absents seraient automatiquement remplacés par les présents. Quitte à finir sa tournée à 15 au lieu de 13 heures ».
Cette nouvelle organisation porte un nom : « Facteurs d'avenir, qu'ils appellent ça à la direction. On est censé voter pour. Ils espèrent obtenir un accord en donnant deux trois sous de plus mais c'est un piège pour nous faire travailler plus sans gagner plus », estime Christian.
Reims est divisé en trois bureaux de distribution du courrier : Colbert, Hippodrome et Porte Mars (nouveau nom de Boulingrin). Le vote doit avoir lieu dans chaque bureau. « Colbert a voté non ». Rue Andrieux, ils ont dit non mercredi ».
Les facteurs rémois ont chopé le blues. « En 4 ans, 26 tournées ont été supprimées et réparties sur les autres. Nous sommes en pleine régression sociale.»
Avec un pouvoir d'achat en chute libre. Un facteur débutant gagne 1.000 euros. Au bout de 13 ans, il a 1.200 euros et au bout de 35 ans 1.400 euros.
Bientôt le facteur, il passera un jour sur deux et faudra pas lui demander de décrocher un
. Ce sera déjà pas mal de ne pas avoir à aller chercher son courrier chez l'épicier du coin.
C.F.
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« La Poste veut faire autant avec moins d'agents »
Pour le syndicat Sud, les « facteurs d'avenir » n'en ont pas, d'avenir. Ce serait même un piège d'adhérer à cette réorganisation.
Il n'y a pas si longtemps, la distribution du courrier fonctionnait simplement : « Chacun avait sa tournée qu'il acquérait en fonction de son ancienneté. Un effectif de facteurs volants permettait de remplacer le titulaire pendant ses repos et congés », explique Claude Lapierre, représentant de Sud.
À cette époque, tous les facteurs dormaient sur leurs deux oreilles. Puis, un jour, La Poste a décidé de faire des économies pour compenser une baisse générale de trafic. La direction s'est dit que ce serait plus judicieux de faire travailler les facteurs en équipe et qu'ainsi ils se remplaceraient mutuellement. « C'est comme ça que le projet d'abord intitulé Marguerite puis facteur d'avenir est né ».
Au lieu de mettre en place sa nouvelle organisation en accord avec les facteurs, La Poste a commencé par supprimer les volants, donc les remplaçants. « C'est la situation actuelle et c'est pourquoi on rappelle les facteurs en repos pour faire les tournées non couvertes. C'est sur le mode du volontariat mais de façon pernicieuse parce qu'un facteur qui a une conscience professionnelle supportera mal que sa tournée ne soit pas faite et se sentira obligé de revenir ».
Une prime d'un euro par jour
La situation actuelle, inconfortable, aurait dû pousser les facteurs à vouloir devenir facteur d'avenir. C'était peut-être même le but recherché. Sauf que ça n'a pas marché. « Sud a toujours été contre car le facteur n'a rien à y gagner. La direction, pour compenser une charge de travail supplémentaire, propose une prime qui revient environ à un euro par jour. Sauf que cette prime diminue en cas d'absentéisme, en cas d'accident de service et en fonction des instances qui n'ont pas pu être délivrées à domicile ». Bref, elle a peu de chance d'être versée en totalité. Encore moins si l'équipe contient un facteur moins zélé que les autres. Ce qui peut arriver. Pour prouver l'hostilité des facteurs à ce dispositif, les organisations syndicales ont organisé un vote au bureau de Colbert. Résultat négatif. « Persuadée qu'on influençait les agents, la direction a voulu organiser son propre vote. Il a eu lieu ce mercredi au Boulingrin ». Résultat également négatif : 36 non et 26 oui. Le bureau Hippodrome n'a pas encore voté : « Seulement aujourd'hui, il n'est pas certain que la direction l'organise ! » En revanche, il est possible qu'elle décide de passer en force. « Dans ce cas, on n'hésitera pas à aller au tribunal ».
C.F.
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« Ce sera au contraire une avancée sociale »
Soit La Poste communique vraiment mal, soit les facteurs n'ont rien compris. « Le dispositif « facteur d'avenir » représente une avancée sociale pour nos agents. Il va permettre aux facteurs d'obtenir des promotions en devenant facteur qualité. Certains d'entre eux qui le sont déjà viennent de toucher une prime super-performance de 450 euros. Cette organisation est exclusivement au service de la qualité et La Poste n'y gagnera rien financièrement. Au contraire, cela nous coûte de l'argent », assure la direction par l'intermédiaire de son porte-parole.
« Ils regrettent d'avoir voté contre... »
Étrangement, cela n'empêche pas les facteurs de voter contre le projet à chaque fois qu'ils en ont l'occasion : « Ceux qui ont voté contre à Colbert le regrettent ». Cela n'a pas empêché Boulingrin de voter « non » à son tour : « Un résultat que nous ne comprenons pas ».
Un résultat qui ne devrait pas empêcher La Poste d'instaurer son système. Avec ou sans l'accord des facteurs. « Le 1er janvier 2011, la distribution du courrier sera ouverte à la concurrence, il faut que d'ici là nous soyons prêts et offrions la meilleure qualité de service. Notre objectif est de distribuer 85 % du courrier à J + 1. Non pas en pressurant les facteurs mais en les motivant financièrement ». Supprimer les volants, les faire revenir sur leurs repos, n'est pas fait pour les motiver : « Les volants ne remplaçaient que les repos et les congés, pas les arrêts ou les accidents d'où le risque de tournées à découvert. Avec le système facteur d'avenir, toutes les tournées sont certaines d'être assurées ». En attendant, il y aurait à Reims 2 ou 3 tournées à découvert chaque jour. « C'est complètement faux ».
C.F.
- Citation :
- L'Union